Pour la Fête de la musique, j’avais envie de vous jouer parler d’une petite astuce de relecture tout à fait de circonstance. Sans doute la connaissez-vous déjà ? Flaubert employait d’ailleurs cette technique, qu’il appelait le « gueuloir » : il relisait ses textes en hurlant !
Pour contrôler l’harmonie générale de son texte : rien de tel que la relecture à voix haute.
On repère ainsi plus facilement les répétitions disgracieuses, les mots qui « sonnent » mal ou… qui ne sonnent pas du tout !
Répétez tout haut après moi : « Ce soir, je suis chez ce cher Serge ». Alors, verdict ? « Ces allitérations en S et CH sont volontaires », dites-vous ? Si c’est « fait exprès », alors… soulignons le bel effet de style !
Les problèmes de sonorité, de rythme et de ponctuation deviennent soudain évidents sitôt que les mots s’entrechoquent à l’oral et choquent par la même occasion vos oreilles délicates ! (Là, par exemple, j’ai volontairement employé les verbes « s’entrechoquent » et « choquent » dans la même phrase. « Jeu de mots » aurait dit Maître Capello. Si vous relisez à voix haute cette phrase, vous repérez encore mieux l’effet de style, non ?)
Les phrases mal construites, les mots mal placés ou mal choisis, les incises manquantes ou inutiles, les enchaînements maladroits, les accords incorrects, les problèmes de concordance des temps, les répétitions (et j’en oublie) ne peuvent plus être ignorés une fois son texte soumis à l’épreuve de l’oral.
Si vous terminez la lecture de vos phrases à bout de souffle et au bord de l’évanouissement, c’est qu’il va peut-être falloir songer un peu à revoir la ponctuation !
C’est fou ce que la lecture à voix haute peut faire parler notre écriture !
Le texte devient alors sonore. Les mots se mettent à chanter, parfois juste… parfois faux. Les phrases prennent corps et vibrent au rythme de la lecture. On découvre son texte sous un jour nouveau. On prend conscience de son style et tout ce qui passait inaperçu à l’écrit devient soudain flagrant à l’oral.
Aujourd’hui, profitez-en pour « gueuler » votre prose comme Flaubert ! Les voisins n’entendront rien, car dehors c’est la Fête de la musique.
Par contre, sitôt la Fête de la musique terminée, épargnez autant que possible les oreilles de vos voisins. Selon la nature de vos écrits (je pense ici notamment à certains de mes amis auteurs qui écrivent de la littérature érotique), veillez à bien vous isoler si vous avez décidé de « gueuler » votre prose. Vous ne voudriez tout de même pas choquer les chastes oreilles de votre voisinage ?
Et vous, lisez-vous vos textes à voix haute ? Êtes-vous sensible à la petite musique des mots ?
Un autre article à lire dédié à la Fête des voisins : Harry, un voisin qui vous veut du bien !
© Karen Platel – Rédactrice, correctrice, conseillère en écriture – www.redacnet.com
Jacques Vandroux
Merci Karen pour ce conseil,
Il parait évident quand on le lit: preuve qu’il est bon! Mais je n’ai jamais mis une telle méthode en pratique.
Je viens de me lancer dans l’écriture d’un nouveau roman. Je vais donc de ce pas l’appliquer.
Cordialement, Jacques.
jacquesvandroux.blogspot.fr
Karen Platel
Merci Jacques pour votre commentaire. Bon courage pour l’écriture de votre roman et à bientôt sur mon blog !
brigitte
Bonjour Karen,
Il est vrai que lorsque l’on relit à haute et intelligible voix, (comme auraient dit mes professeurs !) on se rend mieux compte du rendu du texte. Je l’ai surtout constaté lorsque j’écris des poèmes. Il faut que les mots glissent entre vos lèvres sans les blesser, l’ensemble du texte doit être tout en légèreté, comme la danseuse doit évoluer avec grâce sans trop faire résonner ses pointes sur le plancher !
L’ensemble se doit d’être harmonieux et glisser comme une rivière coule au creux des sentes verdoyantes.
Karen Platel
Merci Brigitte pour ce commentaire. Effectivement, une danseuse se doit d’être légère comme une plume. Elle doit virevolter avec grâce sans faire résonner ses pointes sur le plancher. Danse, musique et écriture sont intimement liées !
acuille
Très chère amie, ce conseil est fort propice à nos chers textes mais le sommeil de mes chats amis ne saurait perdurer dans tant de bruit. N’en déplaise à Flaubert – que j’ai pourtant en grand estime – mais je ne gueulerai point les billets transcrits sur mon blog joli. Je le garderai donc en mémoire, pour peu que mes félins se réveillassent assez longtemps, un de ces jours, pour l’appliquer 😉
Par ailleurs, ne craignez point de continuer cette habitude par vous-même, votre boule de poils personnelle s’accommodera de votre habitude au fil du temps, ce qui lui garantira de ne point se formaliser de vos excès de voix, même en cas de sommeil léger…
Bien à vous chère madame… 😉
[Bon d’accord j’ai un peu forcé sur les répétitions, mais bon… ;D ]
Karen Platel
Eh bien alors, plutôt que de « gueuler » son texte à la manière de Flaubert, je préconise de le relire tout haut mais en chuchotant, afin de laisser dormir en paix nos chers animaux de compagnie et accessoirement nos voisins à l’heure de la sieste ! Et puis, après tout, nos boules de poil chéries ont bien le droit aussi de s’initier au plaisir de la littérature !